Texte de Marcial Di Fonzo Bo,
en hommage à Michel Dubois, ancien président du Syndeac.
Au revoir à l’ami Dubois.
Dans les années 1960, Michel est comédien et assistant de Jean Dasté à Saint-Étienne.
Il participe à la fondation du Centre dramatique national de Besançon, qu’il dirigera à son départ de Caen, entre 1997 et 2002.
Michel succédera à Jo Tréhard dont il fut l’assistant, à la direction de la Comédie de Caen en 1972. Il y restera presque 25 ans jusqu’en 1996.
Et c’est ici que nos chemins se croisent.
Je suis arrivé au CDN en 2015, et Michel a systématiquement assisté aux premières des créations qui ont eu lieu. J’ai pu rencontrer l’homme qu’il fut, son intelligence dans la lecture du monde présent, son œil rieur et politique. Il m’a parlé d’égal à égal tout de suite, estimant que si j’étais arrivé à cette place qu’il connaissait si bien, je ne pouvais pas être le dernier des imbéciles… Et peu à peu j’ai commencé à découvrir la richesse et la complexité de son parcours, qui a fortement marqué, voir inscrit l’ADN de la Comédie de Caen pour toujours.
Son projet pour la Comédie de Caen s’appuie essentiellement sur un répertoire contemporain d’œuvres inédites qui révéla une nouvelle dramaturgie : Kroetz, Peter Handke, Michel Vinaver, Achternbusch, Marguerite Duras – parmi de dizaines d’autres.
« L’équipe caennaise constituée par Michel en compagnie de Claude Yersin notamment, s’engage sur la voie d’un ‘‘théâtre populaire expérimental’’ en rupture avec les impératifs pédagogiques de l’ancienne décentralisation. Visant conjointement le renouvellement du public et celui du répertoire, elle tourne en Basse-Normandie pour faire découvrir au public des œuvres déstabilisantes vis-à-vis desquelles elle est elle-même en position de découverte et de questionnement. » Études théâtrales n° 43, Centre d’études théâtrales, Louvain, 2008.)
Dès les premières années, Michel mettra en scène notamment les créations françaises de nombreux auteurs européens :
Le Précepteur de Brecht. Liberté à Brême de Fassbinder. L’Imbécile d’Edward Bond
Lenz de Mike Scott et une remarquable adaptation de Botho Strauss des Estivants de Gorki
« Michel Dubois a pris le risque, pendant les premières années de son mandat, de n’être pas immédiatement compris, ni par son public, peu accoutumé alors aux audaces quand elles s’accompagnaient d’une réelle aspérité, déconcerté de ne pas pouvoir s’extasier devant des produits d’un usage reconnu, nostalgique d’un théâtre de fête qui souleva les applaudissements scandés…», écrivait Robert Abirached.
Le groupe de permanents de la Comédie de Caen de cette époque se compose des deux metteurs en scène, Michel et Claude Yersin, d’un dramaturge Daniel Besnehard d’un scénographe et de comédiens : Pierre Dios, Jean-Marie Frin, François Chodat, Michel Chaigneau, Pierre Dios, Bruno Wacrenier, Jean-Claude Frissung, Claude Alexis, Jacques Gamblin, Louis-Basile Samier, Juliette Brac, qui vont faire partie de ce groupe artistique à un moment ou un autre.
Dans les années 80, Le théâtre du quotidien fait la renommée de la Comédie de Caen avec la Création du “Le Désamour” au théâtre municipal de Caen et la présentation au Festival d’Avignon de trois créations de dramaturges allemands.
Avec ces spectacles, Michel voulait « détourner un théâtre traditionnel de ses fonctions, le “casser” sans casser les murs » « Sa réussite, écrit Ouest-France, est d’autant plus grande que par la forme qu’il a donnée à son spectacle, Michel Dubois est parvenu à mener une interrogation parallèle sur les rapports du couple public-théâtre. »
Dans les années 90, Dubois poursuivra son travail de création contemporaine avec des auteurs tels que Besnehard, Achtenbusch, Duras, Lemahieu, J. L. Benoit, Cormann, Fix, Agota Kristof, Belbel, Shaw, …
Michel sera également président du Syndeac entre 1991 et 1994 et directeur du Centre national du théâtre entre 2002 et 2006.
En 2008, il est élu adjoint à la culture sur la liste de Philippe Duron, poste qu’il occupera jusqu’en 2009.
Créations de Michel Dubois à la Comédie de Caen.
1970
Le Précepteur de Brecht.
La Paix de Christian Liger d’après Aristophane.
Liberté à Brême de Fassbinder (création française).
Les Estivants d’après Maxime Gorki adapté par Peter Stein et Botho Strauss (création française).
Lorenzaccio de Musset.
Lenz de Mike Scott (création française).
La Punaise de Maïakovski.
L’Imbécile d’Edward Bond (création française)
1980
Le Désamour.
Le Nouveau Menoza de Jakob Lenz (création française).
Le Roi Lear de Shakespeare
Actes relatifs à la vie, à la mort et à l’œuvre de Monsieur Raymond Roussel
La Double Inconstance de Marivaux
Été d’Edward Bond (création française)
Créations de Claude Yersin
Kroetz, Achternbusch, Daniel Besnehard, Eugene O’Neill, Daniel Lemahieu, Michel Vinaver
Quelques artistes invités entre 1972 et 1985
Patrice Chéreau, Roger Planchon, Jean-Pierre Vincent
Maurice Sarrazin, Georges Wilson, Jean Paul Wenzel, Olivier Perrier, Bruno Bayen
Antoine Vitez, Benno Besson, Alain Françon, Alfredo Arias, groupe TSE, Jacques Lassalle
Jean-Claude Frissung, Jean-Marie Frin, Jean Bouchaud
Robert Gironès, Jacques Rosner, Daniel Benoin, Jean-Louis Benoit, Daniel Girard,
Jean-Louis Hourdin, Jean-Pierre Sarrazac, Alain Bézu, Jérôme Deschamps
Jean Jourdheuil et Jean-François Perret, le Théâtre du Radeau.
Dario Fo, Michel Deutsch, Marguerite Duras
Carolyn Carlson, Maguy Marin, Régine Chopinot, Dominique Bagouet
Autant de noms qui seront gravés pour toujours, comme le sien, dans les murs des théâtres du 32 rue des Cordes et de celui d’Hérouville St Clair, bâtit avec la complicité et l’amitié de François Geindre, alors maire de la ville.
Depuis trois ans déjà nous avons travaillé avec toute la nouvelle équipe de direction, Jacques Peigné, Élise Vigier, Aurélia Marin et Lôrent Creveuil et l’architecte Maria Godlewska à la réhabilitation de l’ancienne salle paroissiale au 32 rue des Cordes pour accompagner les artistes de demain avec un outil à la hauteur des créations d’aujourd’hui.
À partir de septembre prochain, une série d’hommages lui sera rendue en présence des acteurs d’hier et d’aujourd’hui pour saluer son immense héritage, qui va bien au delà de quelques titres cités dans ces lignes.
Une publication qui tracera les premières 50 ans de la Comédie sortira en décembre, et forcément, une bonne partie de ces pages parlera de Michel Dubois.
Adieu l’ami.
Vive la Comédie de Caen.