S’il y a comme un air de redite dans nos propos, cela ne doit pas nous conduire à la fatalité mais au contraire à nous répéter avec toujours plus d’insistance et d’engagement.
Rien n’a stoppé les annonces de coupes budgétaires des collectivités, qui continuent à s’égrener, malgré les quelques 100 000 signataires de la pétition “Debout pour la culture” et la mobilisation massive, à travers toute la France de plus d’un millier d’équipes artistiques et de lieux, qui ont invité plusieurs centaines de milliers de spectateurs et spectatrices à se tenir debout pour soutenir le service public de la culture. Nous devons donc aller plus loin dans les formes de nos mobilisations.
Du côté de l’État, les lignes « Création », qui nous concernent directement, ont été finalement préservées mais tant que le gel de précaution (5,5%) ne sera pas levé par Bercy et le Premier ministre, rien ne garantit le financement plein et entier du FONPEPS, dispositif de soutien à l’emploi indispensable, entre autres, à la préservation des emplois. D’autres lignes du budget du ministère de la Culture sont impactées par des baisses. Cela rejaillira sur l’efficience du service public de la culture et notre solidarité se doit, en la matière, d’être inébranlable pour continuer à défendre l’ensemble de notre secteur.
La ministre vient également d’annoncer la signature d’un contrat avec l’échelon départemental pour sauvegarder les financements de la culture, et pourtant, dans les faits, combien de départements tels que l’Hérault, l’Ile-et-Vilaine, pour ne citer qu’eux, ont pris des décisions de coupes totales ou drastiques ? Qu’ils diminuent leurs financements par volonté politique de sabrer la culture ou qu’ils essaient au contraire de modérer l’impact sur notre secteur, tous les échelons des collectivités (régions, départements, communes ou inter-communalités…), sont soumis à un même budget d’austérité défini par le Gouvernement, qui génère des décisions mortifères pour l’emploi et l’accessibilité de l’art et de la culture pour tous nos concitoyens. Nous ne pouvons pas nous y résigner.
Notre dernière réunion du Conseil national a fait état de la gravité extrême de la situation des équipes artistiques et du désespoir dans lequel elles sont désormais plongées. Directement impactées par les baisses des aides aux compagnies, elles sont aussi menacées dans leur capacité à atteindre les objectifs qui sont associés à leurs conventionnements, en raison des perspectives de diffusion de leurs œuvres totalement en berne. Il est très clair que l’État, par l’intermédiaire des DRAC, devra absolument revoir ses critères et créer les conditions de la bienveillance, au regard de l’effondrement économique de notre secteur. Nous militerons en ce sens, dans notre dialogue avec le ministère. Mais face au risque imminent de cessation d’activité de centaines de ces équipes artistiques, des questions se posent aussi à nous-mêmes, sur nos capacités à créer une véritable solidarité et des réseaux d’entraides entre les lieux et les équipes. Cela aussi doit être au centre de notre attention collective.
Au-delà de la crise économique, nous ne pouvons pas rester de simples observateurs des courants réactionnaires qui agitent dangereusement la politique française, européenne ou internationale, et qui visent la création d’un désordre mondial, terrain propice à l’arrivée au pouvoir de régimes totalitaires. La rapidité avec laquelle agit la nouvelle administration américaine n’est qu’une preuve supplémentaire de la réalité dans laquelle nous vivons déjà.
Pour s’opposer à la censure de l’usage de mots-clés dans leurs travaux de recherche, à la censure de la diffusion d’oeuvres littéraires et de productions scientifiques, le monde de la recherche et de l’Université a initié à son tour, le 7 mars, aux États-Unis, son mouvement “Stand Up for Science”, repris également par des manifestations en France et en Europe. Les mêmes constats, aboutissent aux mêmes mots d’ordre et doivent converger dans un projet de résistance commune.
Sans l’ombre d’un doute, que ce soit aux Etats-Unis, en France ou ailleurs, les coupes budgétaires qui frappent les secteurs de la recherche de l’éducation, du social, de la culture, sont justifiées par des logiques économiques qui bien souvent ne cherchent plus à masquer la réelle motivation de ce geste politique. Il s’agit de museler le travail des personnes qui œuvrent pour favoriser la pensée critique et la transmission des savoirs.
Ces politiques réactionnaires usent de méthodes brutales. Elles misent sur la sidération générée par la violence de leurs décisions et entendent gouverner ainsi par la peur afin de dissuader toute forme de résistance au mouvement rétrograde qu’elles veulent imposer à nos sociétés humaines. Nous devons sortir de cette sidération.
Si ces forces politiques s’attaquent aussi violemment à la culture, à la recherche, à l’enseignement, cela veut dire qu’elles redoutent encore qu’une population éveillée puisse sortir de l’obscurité dans laquelle il leur est favorable de nous plonger durablement. Qu’une population éveillée, puisse refuser de placer sa croyance en une fausse réalité, qui est construite à grand renfort de fausses affirmations et de fausses informations. Qu’une population éveillée puisse les empêcher d’atteindre la fameuse guerre promise. Unis dans leur diversité, ces forces réactionnaires, conjuguent aujourd’hui leurs efforts pour faire plier ce qui peut encore freiner leur progression.
L’indépendance des artistes qui subjectivent et des scientifiques qui objectivent, n’entre pas dans leurs plans et entrave leur ambition de contrôler sans conteste les esprits.
Les Arts et les Sciences, par la multitude d’idées et la diversité de points de vue que ces disciplines nous offrent représentent un contre-pouvoir critique qui est partagé avec le plus grand nombre par l’accès à l’éducation et par le travail des médias indépendants. Cette chaîne forme un rempart, qui malgré ses déjà nombreuses fissures, peut encore contrarier la phase d’accélération dans laquelle est entrée l’offensive réactionnaire. Et c’est en cela que nous devons puiser notre énergie et nos convictions. Car ces attaques massives et coordonnées attestent bien que les réactionnaires craignent tout autant le pouvoir éclairant des sciences et des arts, que nous craignons l’obscurantisme qu’ils cherchent à véhiculer.
Aussi violents soient les assauts et les coups subis, ce constat doit nous encourager à ne rien céder et à être d’autant plus sûrs de la force que nous pouvons représenter si nous avançons unis.
Il est temps en France, aux États-Unis, et partout ailleurs en Europe et dans le monde, que les citoyens et citoyennes se mettent debout pour incarner ce rempart.
Il est plus que temps que les partis politiques qui s’opposent à l’instrumentalisation de la culture, des sciences, de l’éducation et de l’information à des fins idéologiques, trouvent les termes d’une union minimale – mais réelle et solide – pour lutter prioritairement contre l’alliance déjà réalisée des forces réactionnaires, qui elles ne s’embarrassent pas de nuances et de subtilités dans l’élaboration d’un programme commun.
Ces mouvements portés par la société civile, les y appellent et les obligent.