
Fruit d’un travail de concertation approfondi, la charte de bonnes pratiques professionnelles entre les lieux et les équipes artistiques trouve son point de départ en 2023.
Pendant plus d’un an, ce document a été élaboré collectivement par un groupe de dialogue réunissant des membres du Syndeac soucieux de formaliser des principes partagés pour améliorer les relations professionnelles dans le secteur du spectacle vivant public. À l’issue de cette démarche exigeante, les structures adhérentes du Syndeac ont été appelées à se prononcer par un vote électronique. Fin janvier 2025, la charte a été adoptée par 295 voix sur 302 votes exprimés.
Afin d’en assurer une mise en œuvre effective, un travail d’accompagnement sera mené au sein des délégations régionales du Syndeac. Par ailleurs, la charte sera présentée dans le cadre de la branche du spectacle vivant public, réunissant syndicats d’employeurs et de salariés et partagée avec l’ensemble de nos partenaires publics
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Les structures membres du Syndeac s’engagent à soutenir la diversité artistique et à assurer la représentativité des esthétiques sur les territoires dans le respect des principes fondamentaux de liberté d’expression, de création et de programmation qui unissent les lieux et les équipes artistiques.
Dans le contexte de fragilité économique actuel, il apparaît que seul le dialogue entre partenaires dans leurs activités de collaboration artistique permettra la co-construction de projets artistiques ambitieux. Ce dialogue implique à la fois une sensibilisation des partenaires sur les spécificités des modèles économiques, mais également des méthodes et processus de travail permettant la prise en considération de l’ensemble des contraintes respectives qui s’imposent à chacun.
À chaque étape – recherche, répétitions, création, diffusion – les grands principes d’accompagnement d’une œuvre artistique doivent être concertés en toute transparence entre les partenaires et aboutir à la contractualisation, sans condition implicite, des engagements de chacune des parties. La présente charte propose une série de rappels et définitions communes permettant de fluidifier ces échanges.
La présente charte propose une série de rappels et définitions communes permettant de fluidifier ces échanges.
Création, production, coproduction
Les processus de création, les besoins de production et les capacités d’accompagnement de projet sont multiples et répondent à différentes réalités. En découle une multitude de cas de négociation entre les lieux et les équipes artistiques. Le montant minimum requis pour une coproduction varie considérablement en fonction de la structure qui accueille et du budget de production. Le Syndeac rappelle, à titre indicatif, que seuls les apports numéraires minimum à 5000€ sont pris en compte par le ministère de la Culture (DRAC) en tant que part minimum de coproduction. Il est donc entendu par coproduction un apport numéraire et non un soutien à la résidence ou un apport en industrie.
Pour autant, il est tout à fait possible de soutenir une création en ne faisant pas de coproduction. En d’autres termes, une somme peut être allouée au projet alors nommée soutien.
Tout en veillant à ne pas rigidifier les processus de négociation, il est important de faire en sorte que les négociations soient favorables au travail et au développement des équipes artistiques.
Les lieux s’engagent à fournir, à la demande des équipes artistiques, les éléments permettant la valorisation de leurs apports en industrie auprès des partenaires institutionnels.
En contrepartie d’un apport en coproduction en numéraire, les équipes artistiques s’engagent à proposer un prix de cession “coproducteur”. Ce prix est déterminé par le producteur dans la limite du coût plateau et en proportion du montant de coproduction.
Dans le cadre des collaborations en production, les membres du Syndeac peuvent s’accorder sur la création d’une société en participation (SEP) favorisant ainsi le juste partage des risques et des bénéfices entre les partenaires impliqués.
Les lieux s’engagent à ne pas conditionner la participation en coproduction à l’émission de droits de suite. Pour rappel, les droits de suite n’ont de pertinence que s’ils s’inscrivent dans le cadre d’une réelle collaboration artistique et de développement entre les partenaires.
Les lieux s’engagent à ne pas imposer l’emploi direct des salariés d’un spectacle, en remplacement du contrat de cession proposé par l’équipe artistique.
Pour rappel, les productions déléguées n’ont de pertinence que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une réelle collaboration artistique entre les partenaires et ne fragilisent en aucun cas la structuration de l’équipe artistique.
Les lieux s’engagent à renforcer la collaboration avec les artistes associés, en s’appuyant sur les typologies de résidences telles que définies dans la circulaire du 08 juin 2016 relative au soutien d’artistes et d’équipes artistiques (dans le cadre de résidences).
C’est pourquoi les membres du Syndeac s’engagent à contractualiser par écrit le cadre et les modalités d’association avec les artistes en précisant les engagements financiers, temporels, territoriaux que ces associations exigent.
À ce titre, les équipes artistiques s’engagent à n’accepter les associations à des lieux qu’en mesurant leur capacité à honorer concrètement les engagements inscrits dans la convention et ainsi réfléchir à la multiplication de leurs associations. Réciproquement, les lieux s’engagent à une vigilance quant aux choix des artistes qu’ils associent à leurs projets, en veillant à ce qu’ils et elles y soient réellement engagés.
À ce titre, les équipes artistiques s’engagent à n’accepter les associations à des lieux qu’en mesurant leur capacité à honorer concrètement les engagements inscrits dans la convention et ainsi réfléchir à la multiplication de leurs associations. Réciproquement, les lieux s’engagent à une vigilance quant aux choix des artistes qu’ils associent à leurs projets, en veillant à ce qu’ils et elles y soient réellement engagés.
programmation et diffusion
Face à la tension accrue entre l’offre de spectacles produits et le potentiel de diffusion, les membres du Syndeac s’engagent à porter une plus grande vigilance sur la qualité et l’éthique de la relation entre les partenaires. Il existe, lors de la phase d’exploitation des réalités différentes et une multitude de cas de négociations entre les lieux et les équipes artistiques.
Les engagements collectifs suivants doivent permettre de contrevenir à la banalisation de certaines pratiques de négociations financières déloyales au détriment des équipes artistiques :
Le prix de cession est déterminé de manière professionnelle par la structure de production pour garantir notamment une juste rémunération des personnels engagés dans le spectacle. Les frais d’approche, d’hébergement et de restauration de l’équipe demeurent extérieurs et supplémentaires au prix de cession. Ils sont pris en charge par les lieux après accord sur un devis.
Les lieux s’engagent à garantir que seul le producteur du spectacle et/ ou producteur délégué, en tant que responsable de la mise en oeuvre artistique, soit habilité à fixer le “coût plateau”.
Les membres du Syndeac s’accordent sur la définition du “coût plateau” : les salaires et les charges des personnes présentes lors de la représentation ou travaillant pour la représentation, les frais techniques pour une représentation (les consommables), les frais d’entretien des costumes ou du matériel, les frais liés au montage et au démontage, les frais administratifs directs et indirects, liés à la représentation et les droits d’auteur éventuels. Le coût plateau est à dissocier de ce qui est couramment nommé “marge”. Celle-ci s’entend comme intégrant le fonctionnement de la compagnie et le développement de son futur artistique.
Dans le cas des préachats et/ou achats de spectacles, les lieux s’engagent à porter une attention particulière au prix de cession proposé prenant en compte ce qui est défini comme la “marge” supplémentaire au “coût plateau” des équipes artistiques, nécessaire à la production, au fonctionnement de leur structure et au développement de leurs projets artistiques.
Dans tous les cas, les lieux s’engagent à ne jamais négocier un contrat de cession au-dessous du “coût plateau”, tel que défini par le producteur et/ou le producteur délégué du spectacle. L’objectif est de garantir que ce dernier ne joue jamais à perte.
Les lieux s’engagent à être à l’écoute et dans le dialogue concernant les besoins logistiques des équipes artistiques, notamment en termes d’hébergement et de transport (nuitées nécessaires dans le cas de représentation le matin, transfert en taxi, hébergement individuel etc.).
Les équipes artistiques et les lieux s’engagent à considérer et à anticiper réciproquement les besoins et contraintes techniques des uns et des autres, de manière à ne pas générer de surcoûts inutiles.
Les équipes artistiques s’engagent à cibler leurs sollicitations (écrites et/ou téléphoniques) et leur fréquence en fonction des orientations artistiques portées par les lieux et de leur cahier des charges.
Dans le cadre des bonnes pratiques professionnelles, lorsqu’un programmateur ou une programmatrice assiste à une représentation d’un spectacle ou sollicite la réception d’une captation, il ou elle s’engage à faire un retour à une des personnes de l’équipe artistique ou de la production.
Les lieux s’engagent à apporter des réponses dans des délais convenables selon un calendrier partagé, dès lors qu’une collaboration est envisagée et lorsqu’ils sont à l’initiative de demandes spécifiques ou d’options envers les équipes artistiques, notamment l’étude de la faisabilité technique. Seule cette réponse - la validation ou le retrait de l’option - permet de déclencher un travail supplémentaire de la part des équipes artistiques (implantation technique, éléments de communication, etc.).
Les lieux s’engagent à prendre en compte notamment les échéances liées aux demandes administratives et institutionnelles des équipes artistiques et réciproquement.
Soutien des artistes et des équipes artistiques dans le cadre des résidences
Une résidence est un mode de soutien d’artistes et d’équipes artistiques pour effectuer un travail de recherche ou de création, sans obligation de résultat. La création sera facilitée grâce à la mise à disposition d’un lieu de création, des moyens financiers, techniques et humains.
Le terme “résidence” regroupe des réalités différentes qui varient dans leurs définitions, attentes et mises en oeuvre, selon les disciplines artistiques, mais aussi les partenaires concernés. Il est essentiel de qualifier les relations, les contrats, les rémunérations versées.
Avant toute résidence et/ou accueil et leur contractualisation, les partenaires s’engagent à se rencontrer et se concerter sur la prise en charge des salaires de l’équipe artistique, des frais d’approche, la mise à disposition des techniciens et des techniciennes, les amplitudes horaires d’occupation des espaces de travail, les besoins techniques, etc. Même si cette rencontre ne garantit pas un accord sur la résidence, elle constitue une étape essentielle avant un éventuel engagement contractuel. Les projets artistiques respectifs, ainsi que les besoins et attentes des deux parties, doivent être clairement exprimés.
Les partenaires s’engagent à définir les conditions d’accueil et de prise en charge des résidences dans un laps de temps suffisamment long pour une meilleure anticipation des besoins.
En prenant en compte la diversité des situations que recouvre le terme de résidence, quelques grandes typologies se dégagent. Un distinguo s’opère essentiellement entre les “résidences de création”, qui s’inscrivent déjà dans un processus de création produit ou coproduit et couvrent la totalité des frais, et les autres modalités de résidences (recherche, territoires).
Les “résidences de recherche” sont conçues pour offrir du temps dédié à l’exploration et à l’expérimentation esthétique, sans exigence de produire une oeuvre concrète à la fin. Elles permettent de développer des essais, des esquisses ou des projets, sans nécessiter d’engagement financier pour une production future. Il est rappelé qu’une « résidence de recherche » couvre obligatoirement une partie des frais d’approche – déplacement, repas et hébergement – de l’équipe accueillie et peut bénéficier d’un apport en numéraire de la structure qui accueille, participant au financement des salaires de l’équipe artistique.
Par ailleurs, il existe d’autres types de temps de travail, sans soutien aux frais d’approche ou frais techniques, ou sans apports numéraires. Il conviendra alors de nommer ce type d’accueil “mise à disposition” ou ”prêt de studio”, qui ne peut être assimilé à un accueil en résidence. Aussi, les lieux réaffirment leur engagement pour
Aussi, les lieux réaffirment leur engagement pour une meilleure reconnaissance, prise en compte et un meilleur accompagnement de la recherche artistique et de l’expérimentation. Dans ce cadre, les lieux s’engagent à ne pas faire peser sur les seules équipes artistiques la structuration des moyens nécessaires à cette phase et ainsi à soutenir a minima les frais d’approche (voyages, hébergement, repas).
Les lieux s’engagent à ne pas re-facturer ou engendrer des frais supplémentaires aux équipes artistiques au-delà de ceux convenus lors de la contractualisation, sauf si l’équipe artistique demande, en cours de résidence, davantage de services ou de matériel technique engendrant des frais supplémentaires, notamment l’embauche d’intermittents et intermittentes non prévus.
Lors de la contractualisation, les lieux engageront une discussion concertée avec les équipes artistiques sur la pertinence de sorties de résidence ou de restitutions publiques. Cela ne peut ni leur être imposé ni conditionner l’accueil en résidence.
ENGAGEMENTS DU SYNDEAC
Le Syndeac prend l’engagement de créer, dans le cadre de la réforme statutaire prévue en 2025, un comité de médiation syndicale interne qui pourra être sollicité par les structures adhérentes, notamment dans le cadre du non-respect de la charte ou de simples difficultés entre les partenaires d’un projet artistique commun. Comme toutes les instances syndicales, cette structure sera nécessairement paritaire entre les lieux et les équipes artistiques, et paritaire entre les hommes et les femmes.
Dans le cadre déjà engagé de la création d’une structure de formation propre au Syndeac, une formation spécifique sera consacrée à la Convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles afin d’affiner les connaissances et pratiques relatives aux enjeux sociaux propres à notre service public de la culture et de mieux partager les valeurs qui la fondent.
Le Syndeac poursuivra par ailleurs son travail d’alerte syndicale sur la situation économique et sociale de ses membres, du secteur du spectacle vivant en particulier et de la culture publique en général. Le Syndeac continuera d’appeler au nécessaire refinancement du programme de la création artistique en informant l’État et les collectivités territoriales des conséquences sociales induites sur l’emploi et du plan social à l’oeuvre localement.