BOÎTE À OUTILS employeurs
Prévenir et punir les violences sexistes et sexuelles et le harcèlement sexuel est obligatoire pour tou·te·s les employeur·e·s.
Ce document a pour objectif de vous guider dans vos démarches pour vous assurer que votre entreprise est un lieu sûr pour tou·te·s, et respecter le cadre légal.
Ce guide est à destination des entreprises appliquant la CCNEAC (Convention Collective Nationale des Entreprises Artistiques et Culturelles), puisqu’il prend en compte les dispositions spécifiques de cette convention collective.
LES documents à télécharger
Fiche autodiagnostic de l'entreprise
Offre de formation AFDAS
Intégration des VHSS dans le DUERP
Accusé de réception de signalement
Engagement de confidentialité
Guide entretien enquête
Constat de non signature
Fiche informative
Procédure de signalement
Règlement intérieur
les responsabilités de l'employeur
Les formations de prévention des violences et harcèlement sexistes et sexuels (VHSS) sont fortement recommandées pour combattre et prévenir efficacement les VHSS dans son entreprise. Il est notamment recommandé de former régulièrement les personnels encadrants (directeur·trice·s, président·e·s, directeur·trice·s artistiques, administrateur·trice·s etc.), notamment lorsque qu’ils·elles encadrent régulièrement un grand nombre de personnes.
De nombreuses aides publiques dans le secteur du spectacle vivant (ministère de la Culture, CNC, CNM) sont par ailleurs conditionnées par la complétion de formations contre les violences sexistes et sexuelles et le harcèlement, pour les employeur·e·s ou les représentant·e·s légaux·les des entreprises.
Une liste non-exhaustive de formations disponibles pour les entreprises du spectacle vivant est à trouver en annexe de ce dossier.
Le secteur culturel est différent de nombreux autres secteurs de par la nature du travail effectué : des tâches qui seraient impensables pour de nombreux·ses salarié·e·s sont routinières pour des professionnel·le·s de la culture. On peut penser au fait d’embrasser des inconnu·e·s pour des scènes de théâtre ou des clips musicaux, se changer devant des collègues, toucher le corps d’une autre personne pour rectifier une position sur un instrument, etc. À ce titre, il est crucial que les professionnel·le·s de la culture puissent analyser les risques particuliers posés par les VHSS.
Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est un document obligatoire pour toutes les entreprises dès le·la premier·ère salarié·e, afin d’analyser les risques encourus dans le cadre des activités d’une entreprise. Les VHSS doivent y figurer. Il faut notamment prendre en compte :
- La nature sexiste ou non de l’environnement de travail,
- La nature genrée de la répartition du travail au sein de l’entreprise,
- Les précédents de VHSS dans l’entreprise,
- Les horaires atypiques des salarié·e·s,
- Le temps passé ensemble par les salarié·e·s hors du temps de travail de par la nature du travail demandé (par exemple, en tournée),
- …
Des fiches outils d’autodiagnostic adaptées au secteur du spectacle vivant sont disponibles en annexe de ce dossier : elles permettent d’analyser les situations auxquelles une entreprise artistique et culturelle pourrait être confrontées et donnent des pistes pour rendre l’environnement de travail le plus sécurisé possible.
Un guide sur l’inclusion des VHSS dans un DUERP est également disponible en annexe de ce dossier.
Information
Conformément à la CCNEAC, des modalités d’information aux salarié·e·s sur le sujet des VHSS est à mettre en place.
- Avant le début de la période d’exécution du premier contrat de travail, et au plus tard lors de la transmission du premier contrat de travail de l’année, l’employeur·e doit remettre aux salarié·e·s une fiche informative relative à la prévention des VHSS au sein de son entreprise. Un exemple de cette fiche est à trouver en annexe de ce dossier.
- Des affiches de prévention et d’information doivent être accrochées dans toutes les entreprises et lieux de travail (y compris lieux de représentations) afin d’informer les salarié·e·s de l’encadrement légal des VHSS, ainsi que des contacts possibles pour les victimes et les témoins. Un exemple d’affiche est à trouver en annexe de ce dossier.
Les informations devant être comprises dans cette fiche informative et cette affiche, conformément à la CCNEAC, sont les suivantes :
- Rappel de l’interdiction des violences sexuelles et sexistes ;
- Rappel des dispositions des articles L1142-2-1, L1152-1 et L1153-6 du Code du travail ;
- Rappel que tout manquement à ces règles peut justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la rupture du contrat de travail ;
- Reprise de la définition du code pénal du harcèlement sexuel et des peines encourues ;
- Rappel des actions civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
- L’agissement sexiste, l’outrage sexiste, le voyeurisme, le harcèlement notamment commis par le biais de services de communication en ligne, le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol et l’infraction de non-dénonciation d’un crime font l’objet de sanctions civiles et/ou pénales ;
- S’il en existe dans l’entreprise, les coordonnées des personnes référentes chargées d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ;
- S’il en existe dans l’entreprise les coordonnées des représentants du personnel et des délégués syndicaux ;
- Les informations sur la manière dont peut se dérouler la procédure de signalement,
- Les coordonnées du service de prévention et de santé au travail Thalie Santé (ex-CMB) ;
- Les coordonnées de l’inspection du travail ;
- Les coordonnées de la Défenseure des droits ;
- Les coordonnées de la cellule de prévention d’Audiens : numéro de téléphone unique : 01 87 20 30 90 et adresse électronique : violences-sexuelles-culture@audiens.org.
Prévention
Par ailleurs, il est important en tant qu’employeur·e de contribuer à une ambiance de travail n’encourageant pas les VHSS. Voici des exemples d’actions qui permettent de s’assurer votre lieu de travail reste un lieu sécuritaire :
- Présence d’un·e coordinateur·rice d’intimité dans toutes les situations où les personnes sont en proximité physique, nues ou en partie nues, ou dans des situations simulant ou rappelant des rapports sexuels,
- Dans le cas des situations évoquées ci-dessus, s’accorder sur les conditions de communication des productions concernées (par exemple, s’accorder sur la possibilité ou non de faire figurer des photographies de nus dans les supports de communication, avant et après les productions),
- Sensibilisation aux notions de consentement au début de chaque période contractuelle pour les salarié·e·s dont le travail pourrait présenter un risque particulier,
- Définir clairement des paroles ou actes prohibés au sein de l’entreprise pour limiter les propos sexistes,
- S’assurer en amont des tournées des conditions de logement des équipes, par exemple accord aux chambres partagées ou accord sur les partages des loges ou des zones de repos, notamment en cas de loges ou de chambres mixtes,
- …
Les entreprises peuvent être accompagnées de multiples manières pour mettre en place un plan de prévention et de traitement de VHSS, et notamment en faisant appel :
- À des organismes de formation tels que ceux identifiés plus haut,
- À des consultant·e·s externes,
- Au conseil baromètre social de l’AFDAS (pour rappel, les entreprises de moins de 50 salarié·e·s et les entreprises dépourvues de CSE sont prioritaires pour un accompagnement par l’AFDAS),
- À des lignes d’écoute psychologique ou à des psychologues clinicien·ne·s,
- …
Le rôle des membres du CSE (ou CSEC) et / ou des référent·e·s harcèlement au sein de l’entreprise
Selon la loi, il existe deux types de référent·e·s harcèlement au sein d’une entreprise. Il est fortement recommandé de former les référent·e·s spécifiquement aux questions de lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles. Ces formations, si elles sont suivies, sont prises en charge par l’employeur·e. Une liste des formations possibles et recommandées par l’AFDAS est disponible en annexe de ce dossier.
Au sein du CSE (ou CSEC) :
[art. L2314-1 du code du travail] Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
Cette personne est élue parmi les membres du CSE (ou CSEC), qu’elle soit titulaire ou suppléante.
Les rôles des référent·e·s du CSE (CSEC) ne sont pas clairement définis par la loi, définir la portée de leurs propres actions fait donc partie de la responsabilité des référent·e·s : leur rôle est simplement défini par un objectif de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. À noter cependant :
[L2312-59] Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond.
L’employeur·e est donc tenu·e de lancer une enquête interne si un·e membre du CSE fait remonter des faits de VHSS jusqu’à lui ou elle.
En complément du référent désigné parmi les élus du CSE (ou CSEC), dans les entreprises appliquant la CCNEAC de plus de 50 salarié·e·s, l’employeur·e est tenu·e de nommer un·e référent·e matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements et violences sexistes.
Cette personne est nommée par l’employeur·e, et peut occuper toute fonction au sein de l’entreprise : salarié·e, membre de la direction, RH, etc., sans condition d’ancienneté ou de compétence.
Le rôle du·de la référent·e nommé·e par l’employeur·e est, lui, défini. Il·Elle oriente, informe et accompagne les salarié·e·s en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Il participe à la mise en œuvre des procédures internes permettant de faciliter le signalement et le traitement des faits de harcèlement sexuel et d’agissements et violences sexistes. Il contribue au déroulement des enquêtes internes. Il·Elle est donc un·e interlocuteur·trice privilégié·e des salarié·e·s qui seraient témoins ou victimes de ces faits.
Dans les deux cas de référent·e·s, il est important de préciser que c’est bien la responsabilité de l’employeur·e qui est engagée en cas d’enquête VHSS dans l’entreprise, et non celle des référent·e·s. À ce titre, le·la référent·e a essentiellement un rôle de relai auprès de l’employeur·e, et de garant·e que les enquêtes internes et actions menées sont bien contradictoires et impartiales. Il est également du ressort des référent·e·s d’assister des personnes souhaitant faire des signalements de VHSS à rédiger ces signalements par écrit.
Dans les deux cas, les référent·e·s doivent aussi être tenus au courant par l’employeur·e de tout signalement de VHSS ayant été effectué dans l’entreprise, conformément à la CCNEAC.
le signalement
Il est important de prévoir des mesures favorisant et encourageant la remontée d’informations auprès des personnes appropriées.
Toutes les entreprises de la CCNEAC sont tenues de mettre en place une procédure de recueil des signalements de leurs salarié·e·s, bien que les victimes et témoins ne soient pas tenu·e·s de se soumettre à cette procédure.
Voici des exemples de bonne pratique à ce sujet (liste non-exhaustive, et à adapter selon la taille et la nature des activités de l’entreprise) :
- Boîte mail dédiée aux remontées de signalements,
- Échanges réguliers à ce sujet entre l’employeur·e et les encadrant·e·s (directeur·trice·s artistiques, administrateur·trice·s etc.),
- Rappel oral régulier des coordonnées des personnes chargées de recevoir les signalements,
- …
L’entretien individuel est également un moment privilégié pour communiquer avec vos équipes sur ce sujet, et s’assurer que des comportements inacceptables n’ont pas lieu au sein de votre entreprise. Voici des exemples de questions que vous pouvez poser lors des entretiens individuels :
- Comment décririez-vous l’ambiance de travail avec les autres salarié·e·s de l’entreprise ?
- Connaissez-vous les procédures de signalement qui existent au sein de notre entreprise si vous êtes victime ou témoin d’un cas de violence ou de harcèlement sexiste et sexuel ?
- Êtes-vous sujet ou avez-vous connaissance / avec vous été témoin de comportements insistants, non-désirés ou déplacés, notamment en termes de harcèlement ou de violences sexistes et sexuelles ?
- …
En cas de signalement de faits de harcèlement ou de violences sexistes ou sexuelles, l’employeur·e doit réagir rapidement. Une première analyse de la situation doit être menée par le·la personne en charge des ressources humaines, un·e membre de la direction ou l’employeur·e directement (ou par l’intermédiaire de le·la référent·e en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes).
Cette analyse préliminaire consiste en 3 étapes distinctes :
- Accuser réception du signalement. Un modèle de courrier à cet effet est disponible en annexe de ce dossier.
- Procéder à un premier échange avec l’auteur·rice du signalement, pour recueillir des précisions sur les faits. Si cette personne n’est pas le·la victime, il est utile d’effectuer également un entretien préalable avec ce·tte dernier·ère. Attention : si les faits décrits peuvent avoir un caractère traumatique, il est important de ne pas les faire répéter à la victime présumée un nombre trop important de fois, ce qui pourrait rendre le processus d’autant plus traumatique.
- Effectuer une première analyse des faits.
- S’il apparaît clairement que la situation n’est pas constitutive d’une situation de VHSS : Il est recommandé d’informer l’auteur·rice du signalement de la non-enquête qui suit. Par ailleurs, un échange approfondi avec le·la salarié·e est recommandé afin d’établir un potentiel mal-être ou dysfonctionnement au sein de l’entreprise qui aurait pu mener à ce signalement.
- S’il apparaît que la situation pourrait être constitutive d’une situation de VHSS : Il est recommandé de lancer une enquête interne pour établir la réalité des faits. Les modalités de l’enquête devraient être décrites à la victime présumée, ainsi qu’à la personne ayant effectué le signalement si ces personnes sont différentes. En particulier, le principe de discrétion de l’enquête, et la confidentialité des informations dévoilées au cours de celle-ci, peuvent être rappelés.
Dans chaque cas, il est recommandé, dans cette phase préliminaire, d’être complètement transparent·e auprès de la personne ayant réalisé le signalement de la suite des mesures prises, ou non. Ses droits peuvent aussi être rappelés à la victime présumée.
Mener une enquête interne en cas de suspicion de VHSS
Mener une enquête est obligatoire si l’employeur·e est saisi·e par un·e membre de la délégation du personnel au comité social et économique [art. L2312-59 du Code du Travail]. Autrement, l’enquête n’est pas obligatoire mais fortement encouragée. La réactivité de l’employeur·e à la mener peut être prise en compte par le·la juge pour écarter sa responsabilité dans le cadre de mesures judiciaires, ou au contraire pour l’aggraver.
Afin de mener une enquête interne correctement, il convient de respecter ces principes généraux :
- Discrétion et confidentialité : Il est important de ne pas communiquer sur les trouvailles de l’enquête avant sa finalisation. Toute information donnée au cours des entretiens devrait rester privée et confidentielle, et les personnes en charge de l’enquête sont tenus au secret des informations données au cours de celle-ci. Le but est de maintenir la dignité et la réputation des personnes concernées.
- Impartialité et équité : Toutes les personnes écoutées doivent être traitées équitablement. Ainsi, les personnes concernées doivent par exemple toutes être autorisées à présenter des témoins et à partager leur version des faits, qu’elles soient victimes ou coupables présumées.
Le non-respect de ces principes peut donner lieu à des sanctions par le·la juge. Les étapes d’une enquête disciplinaire sont détaillées ci-dessous. La procédure d’enquête interne n’est pas définie par le code du travail, il convient donc d’adapter ce guide aux conditions spécifiques de vos entreprises.
Il est recommandé de nommer conjointement un·e représentant·e de la direction, et un·e représentant·e du personnel. Le·la représentant·e du personnel peut aussi bien être le·la membre du Conseil Social et Économique ayant ce titre, qu’un·e salarié·e choisi·e sur la base du volontariat.
De plus, il est important de choisir des personnes qui ne remettront pas en cause l’impartialité de l’enquête interne, et choisir quelqu’un travaillant le moins possible avec les personnes concernées, d’éviter autant que possibles un·e supérieur·e hiérarchique ou collègue direct·e.
Si ces conditions ne peuvent pas être réunies et que l’impartialité de l’enquête est mise en cause, il est possible de diligenter un·e intervenant·e externe à l’entreprise, comme un·e avocat·e.
Il convient de mener une réunion préparatoire à l’enquête interne avec toutes les personnes en étant chargées.
Une étape cruciale est de choisir les personnes à auditionner – cette liste étant bien sûr susceptible d’évoluer au fur et à mesure de l’enquête si de nouveaux éléments sont présentés aux enquêteur·rice·s internes. Une liste préliminaire est la suivante :
- La victime présumée,
- La personne à l’origine du signalement,
- La personne mise en cause,
- Les témoins,
- Les responsables hiérarchiques direct·e·s de la victime présumée et de la personne mise en cause,
- Toute personne demandant à être auditionnée,
- Toute personne dont l’audition est souhaitée par la victime présumée,
- Toute personne dont l’audition est souhaitée par la personne mise en cause.
De plus, si leurs connaissances du lieu et de l’ambiance de travail sont jugées pertinentes et susceptibles d’apporter de nouveaux éléments à l’enquête, les représentant·e·s du personnel et le·la médecin du travail peuvent être auditionné·e·s dans le cadre de l’enquête interne.
Dans le secteur du spectacle vivant, au vu du nombre important de contrats de courte durée, il est tout à fait possible qu’une personne qui pourrait être interrogée dans le cadre de l’enquête interne ne soit plus sous contrat avec votre entreprise. Dans ces cas-là, les personnes sont tout de même invitées par écrit à être entendues dans le cadre de l’enquête interne.
Lors de la planification de l’enquête interne, il est bon de prendre en compte un délai raisonnable (3 jours par exemple) pour prévenir les personnes en amont de leur audition. L’écrit communiqué à la personne pour la convoquer précise bien qu’il s’agit d’une enquête interne.
Il est hautement recommandé de mener des entretiens individuels (en évitant notamment toute confrontation entre victime présumé·e et coupable présumé·e), en présentiel et non en visio si la situation le permet.
Un exemple de guide d’entretiens est disponible en annexe de ce dossier. Il convient de mener les entretiens différemment selon que la personne concernée est une victime présumée, une personne mise en cause ou un·e témoin.
Chaque entretien doit faire l’objet d’un compte-rendu détaillé, daté, et signé par l’ensemble des participant·e·s. En cas de refus de signature de la part des personnes reçues en entretien, il convient de faire attester le refus de signature ainsi que la bonne tenue de l’entretien par les personnes présentes (un exemple de ce constat de non-signature peut être trouvé en annexe de ce dossier).
Dans la plupart des cas, un entretien en présentiel étant préférable, les frais engagés par les salarié·e·s et ancien·ne·s salarié·e·s pour donner suite à l’invitation de sont remboursés par l’employeur·e, conformément à la CCNEAC.
Le rapport de l’enquête doit rassembler l’ensemble des compte rendus des entretiens, et surtout les conclusions de l’enquête interne : les faits de harcèlement ou d’agissements sexistes sont-ils ou non caractérisés ?
Il convient de faire signer ce compte-rendu par tou·te·s les enquêteur·rice·s, et de le transmettre immédiatement à l’employeur·e ou à son·sa représentant·e (par exemple la personne chargée des ressources humaines) afin de mettre en œuvre les procédures qui s’imposent suite au constat partagé, notamment les procédures disciplinaires.
Il est possible de mettre en place des mesures transitoires pour s’assurer des bonnes conditions de travail de chacun·e·s au cours de l’enquête interne, et sa bonne tenue impartiale. Notamment, il peut être donné comme consignes aux personnes impliquées de ne pas rentrer en contact les un·e·s avec les autres.
De plus, les personnes impliquées peuvent être séparées au jour le jour, à travers une réaffectation temporaire de l’une des deux personnes avec l’accord de la victime présumée, ou encore des aménagements du travail, comme des mesures de télétravail, des horaires décalés, etc.
Dans le cas d’une réaffectation impossible au vu de la nature du travail de l’entreprise (personnels artistiques essentiels à la tenue d’une représentation par exemple), des mesures d’éloignement et de baisse de contact entre les deux personnes peuvent être envisagées, par exemple à travers leur séparation dans les zones de repos.
Enfin, il est possible de prononcer une mise à pied conservatoire, qui permet de suspendre temporairement l’activité de la personne mise en cause dans l’entreprise. C’est une mesure qui entraîne la suspension du contrat de travail le temps de décider des suites de l’enquête disciplinaire. Cette mesure ne doit être effective que pendant le temps de l’enquête interne, et être suivie au plus vite par les sanctions disciplinaires. Si la personne mise en cause est définitivement mise à pied à la suite de l’enquête, aucun salaire ne lui sera versé, en revanche, la personne mise en cause percevra sa rémunération si les suites de l’enquête permettent sa réintégration dans l’entreprise. Pour rappel, le principe non bis in idem indique qu’une même faute ne peut pas faire l’objet de deux sanctions successives : il est donc crucial que la sanction décidée à la suite de l’enquête interne soit appliquée au plus vite une fois l’enquête terminée afin de mettre fin à la mise à pied conservatoire.
Procédures disciplinaires et suites d’une enquête interne
Mener une enquête est obligatoire si l’employeur·e est saisi·e par un·e membre de la délégation du personnel au comité social et économique [art. L2312-59 du Code du Travail]. Autrement, l’enquête n’est pas obligatoire mais fortement encouragée. La réactivité de l’employeur·e à la mener peut être prise en compte par le·la juge pour écarter sa responsabilité dans le cadre de mesures judiciaires, ou au contraire pour l’aggraver.
Afin de mener une enquête interne correctement, il convient de respecter ces principes généraux :
- Discrétion et confidentialité : Il est important de ne pas communiquer sur les trouvailles de l’enquête avant sa finalisation. Toute information donnée au cours des entretiens devrait rester privée et confidentielle, et les personnes en charge de l’enquête sont tenus au secret des informations données au cours de celle-ci. Le but est de maintenir la dignité et la réputation des personnes concernées.
- Impartialité et équité : Toutes les personnes écoutées doivent être traitées équitablement. Ainsi, les personnes concernées doivent par exemple toutes être autorisées à présenter des témoins et à partager leur version des faits, qu’elles soient victimes ou coupables présumées.
Le non-respect de ces principes peut donner lieu à des sanctions par le·la juge. Les étapes d’une enquête disciplinaire sont détaillées ci-dessous. La procédure d’enquête interne n’est pas définie par le code du travail, il convient donc d’adapter ce guide aux conditions spécifiques de vos entreprises.
Il n’existe pas de liste légale de sanctions pouvant être prononcées par l’employeur·e, ni de sanction spécifique à appliquer selon les fautes commises. Cependant, en pratique, une sanction disciplinaire doit être proportionnée à la faute commise. Dans le cadre de harcèlement sexuel, d’une agression sexuelle et a fortiori d’un viol, le licenciement pour faute grave est considéré comme une sanction appropriée par les juges. Ce genre de licenciement entraîne le départ immédiat de l’entreprise (non-exécution du préavis, absence d’indemnité de licenciement et d’indemnité de préavis), et est justifié lorsque la santé et la sécurité d’un·e ou plusieurs salarié·e·s est menacée par le maintien du·de la salarié·e auteur·rice des faits dans l’entreprise.
D’autres mesures existent et sont à envisager selon la gravité des faits, telles que les mises à pied, les avertissements, les rappels à l’ordre, etc.
Dans deux cas de figure, l’employeur·e n’applique pas de sanction à l’issue d’une enquête interne. Des actions sont malgré tout à envisager au sein de l’entreprise :
- Si les faits de VHSS ne sont pas caractérisés.
Il revient alors à l’employeur·e de comprendre comment l’ambiance de travail a pu contribuer à des signalements, bien que les faits ne soient pas caractérisés. Les relations au sein de l’équipe sont en effet probablement mauvaises et un travail de team-building, ou de changement des habitudes de travail, est peut-être à envisager.
- Si la personne mise en cause n’est plus salariée par l’entreprise au moment de la fin de l’enquête.
Si une personne mise en cause est trouvée coupable de VHSS à l’issue de l’enquête interne, mais n’est plus sous contrat au moment de la conclusion de l’enquête interne, l’employeur·e n’est plus en mesure d’appliquer des sanctions disciplinaires. Cependant, les résultats de l’enquête ont pour objet de renforcer la prévention et la sécurité au sein de l’entreprise, notamment pour identifier les risques plus précisément, pour les supprimer ou au moins les éviter et les réduire. Une instruction de ces sujets est donc de mise.
Une fiche récapitulative jointe en annexe reprend synthétiquement les différentes étapes de la procédure de signalement et de traitement de faits pouvant relever des VHSS.
Coactivité et Accompagnement Juridique de la victime
Des mesures particulières sont à prévoir dans les situations de coactivité, très courantes dans le secteur du spectacle vivant.
Lorsque qu’il existe de la coactivité avec une personne physique ou morale, les entreprises artistiques et culturelles prennent toutes les mesures nécessaires pour que les règles et mesures de lutte contre le harcèlement et les agissements sexuels et sexistes applicables dans leurs lieux de travail s’imposent à ces structures et à leur personnel, quel que soit leur statut, ainsi qu’aux personnes physiques.
Il s’agira notamment d’engagements juridiquement contraignants, par le biais de clauses insérées dans les contrats conclus par les entreprises artistiques et culturelles avec ces personnes physiques ou morales. Voici un exemple de clause à inclure dans un contrat de coactivité :
Conformément aux dispositions du code du travail en matière de « coordination de la prévention », les règles applicables en matière de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes sont celles du lieu de travail et lorsque le responsable du lieu du spectacle est informé d’un comportement, d’un salarié d’une autre entreprise ou d’un agent public, qui est susceptible de constituer un harcèlement sexuel ou un agissement sexiste, il alerte l’employeur du salarié ou de l’agent public mis en cause dans les meilleurs délais. Les employeurs devront agir de manière conjointe et diligente de manière à protéger la victime présumée.
- Lorsque des situations justifiant de l’ouverture d’une enquête interne impliquent des salarié·e·s de deux entreprises différentes dans le cadre d’une coactivité, les employeur·e·s doivent agir de manière conjointe pour mener ladite enquête interne. Chaque salarié·e ayant vocation à être entendu·e dans le cadre de cette enquête (témoin, victime présumée, coupable présumé·e, etc.) devrait être entendu·e par son employeur·e.
- Lorsque des situations qui pourraient justifier de l’ouverture d’une enquête interne impliquent des personnes non-salariées (par exemple : des membres du public, des indépendant·e·s comme des metteur·se·s en scène, des bénévoles…), les mesures à prendre sont à identifier au cas par cas. Cependant, chaque fois, c’est le règlement intérieur du lieu, s’il existe, qui est à appliquer. Ainsi, il est possible de faire sortir un·e membre du public d’un lieu de représentation si son comportement constitue un acte de VHSS. De plus, pour rappel, il est du devoir de l’employeur·e de prévenir et de punir tous les faits de VHSS dans son entreprise, et de garantir la sécurité de ses salarié·e·s dans l’exercice de leur activité.
Dans tous les cas, vous pouvez référer toute personne victime ou témoin de VHSS aux autres sections de ce dossier pour les informer de leurs droits dans le cadre de leurs démarches. De plus, conformément à la CCNEAC, et notamment lorsque les personnes mises en cause refusent d’être entendues dans le cadre de l’enquête interne, il est de la responsabilité de l’employeur·e de transmettre aux victimes présumées et aux témoins toutes les coordonnées des structures pouvant les accompagner (cellule d’écoute, dépôt de plainte…).
Dans certains cas, il est de votre responsabilité pénale de rapporter les faits de VHSS aux forces de l’ordre :
[434-1 du code pénal] Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs :
1° Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de l’auteur ou du complice du crime ;
2° Le conjoint de l’auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.
Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.
Dans le cadre de l’article ci-dessus, l’obligation d’informer les autorités judiciaires ne s’applique que dans le cadre du viol, puisque les autres faits de VHSS ne sont pas des crimes. De plus :
[434-3 du code pénal] Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Lorsque le défaut d’information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Enfin, l’obligation de signaler des délits ou des crimes s’applique aux fonctionnaires des structures publiques :
[art. 40 de la procédure pénale] Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Si la victime n’est pas légalement considérée comme une personne n’étant pas en mesure de se protéger, vous ne pouvez pas porter plainte à sa place. Cependant, vous pouvez déposer une main courante auprès d’un commissariat ou d’une gendarmerie. Une main courante est une procédure permettant de signaler et consigner la nature et la date de certains faits aux forces de l’ordre. Dans la plupart des cas, une main courante n’engage aucune poursuite judiciaire.
La main courante peut notamment être utile en vue d’une procédure judiciaire ultérieure, puisque les éléments consignés lors de son dépôt pourront être utilisés dans cette procédure judiciaire : cette procédure est particulièrement utile pour signaler des faits qui pourraient s’apparenter à du harcèlement s’ils sont répétés ultérieurement. Des agissements sexistes peuvent par exemple être signalés aux forces de l’ordre.
L’auteur·rice des faits n’aura pas connaissance de votre main courante et ne sera pas convoqué·e.
Attention : si les faits rapportés aux forces de l’ordre à travers une main courante constituent un crime ou un délit (harcèlement, viol), la police peut immédiatement engager des poursuites judiciaires en effectuant une saisine du procureur de la république, bien que personne n’ait formellement déposé plainte. Il est donc important de ne poursuivre cette démarche que si la victime ne s’y est pas opposé de manière formelle (par écrit ou par oral consigné par écrit par l’employeur·e avec contre-signature de la victime).