Nous relayons ici l’appel de Montreuil signé par l’Association des Centres dramatiques nationaux, souhaitant alerter sur la situation de plus en plus préoccupante de nos institutions théâtrales.
Le 29 mars 2025
En l’espace d’un an, plusieurs figures de notre paysage théâtral ont annoncé qu’elles quitteraient prématurément la direction des institutions qui leur avaient été confiées. Ce sont là des symptômes de la crise profonde que traverse notre secteur.
À l’occasion de ces départs, nous entendons une insidieuse rhétorique : les problèmes de nos théâtres viendraient d’abord de leur « lourdeur », de leurs frais de fonctionnement trop élevés, de leurs équipes permanentes pléthoriques, de leur cahier de missions trop ambitieux et du fait que les artistes ne seraient pas d’assez bons gestionnaires.
C’est l’éternel refrain de ceux qui prennent appui sur le réel affaiblissement des services publics dans notre pays pour contester leur efficacité, leurs missions, et à terme, leur existence.
La réalité est pourtant bien plus triviale : au cours de la décennie écoulée, la stagnation des financements publics, combinée à l’inflation, a fait perdre au seul réseau des CDN l’équivalent de dix millions d’euros de capacité financière. Les coupes budgétaires des collectivités territoriales ne font qu’aggraver la situation. Ce sont autant de projets abandonnés, d’ambitions avortées, d’emplois détruits.
Cette situation alarmante porte en elle un paradoxe. Celui de l’adhésion et de l’enthousiasme toujours plus grands des publics pour nos théâtres, qui atteignent ces derniers temps des taux de fréquentation inédits. Cette même vitalité se fait également ressentir dans le réseau des CDN par le renouvellement des formes artistiques, le partage des outils de production, la féminisation des directions, la parité dans les programmations, la place faite aux représentations de la diversité…
Aujourd’hui, les Centres dramatiques nationaux soutiennent et accompagnent le travail de plus de 200 artistes associé·es et de très nombreuses compagnies, en grande difficulté alors même qu’ils et elles sont des acteurs majeurs de la dynamique culturelle des territoires.
Ce travail essentiel, mené conjointement par les équipes artistiques, les équipes permanentes de nos lieux et des directions animées par un véritable projet démocratique et émancipateur, est désormais gravement fragilisé.
Cette fragilisation vient pour beaucoup expliquer le départ anticipé de certains de nos collègues n’ayant plus les moyens de leur première mission : accompagner les artistes.
Le théâtre public est au fond pris dans la même spirale infernale que l’école, l’hôpital, l’aide sociale ou la justice : une érosion constante de ses moyens d’action, qui conduit mécaniquement à la difficulté de rendre les services qu’il est censé rendre, et qui induit à terme une remise en cause des principes mêmes sur lesquels il a été fondé.

Les directrices et directeurs des 38 Centres dramatiques nationaux