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« Nous faisons face à un véritable effondrement »

Le 6 juin, les organisations salariales et les organisations d’employeurs du spectacle vivant public se sont réunies dans la perspective d’une vaste mobilisation nationale le 13 juin 2024. Nicolas Dubourg, après la CGT, a ouvert  ce webinaire par l’intervention que nous publions ci-après.

Bonjour à toutes et à tous,

Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une mobilisation nationale du service public du spectacle vivant que nous espérons ample tant le contexte n’a jamais paru aussi menaçant.

Oui, certains diront que le secteur traverse des crises depuis plus de vingt ans et que notre capacité à nous faire entendre ne s’est jamais démentie.

Mais aujourd’hui, il nous faut pourtant leur rappeler que jamais la menace d’un effondrement des fondations de ce qui nous réunit, la création artistique libre et indépendante au bénéfice de toutes et tous, terreau de l’émancipation et de la démocratie, n’a jamais été aussi forte.

Oui, la menace vient de partout.

Elle vient d’une pensée utilitariste et court-termiste qui est incapable de donner sa juste mesure à l’intérêt général.

Elle vient des intérêts économiques débridés qui font main basse sur tout ce qui pourrait constituer de nouvelles sources de profit à commencer par la santé et l’enseignement supérieur.

Et elle vient du populisme débridé qui, dans une manœuvre maintes fois répétée, tente de faire la jonction entre les intérêts financiers, la peur, et les instincts de repli en jetant en pâture les plus parfaits des bouc-émissaires, celles et ceux dont la place dans la société est d’éclairer, de lier, de donner du sens et de renforcer les capacités de chacun et chacune à construire un futur désirable.

Récemment, cette pensée s’est dévoilée au grand jour comme vient de le rappeler avec force Claire Serre-combe par un simple décret qui a fait l’économie d’un débat parlementaire.

Et elle nous montre avec amertume que le pass culture et la gabegie financière qu’il représente est le fer de lance de cette nouvelle politique culturelle, où la notion de création – qui constitue pourtant la particularité de l’approche française et se traduit même dans le nom d’une des directions générales du ministère – est sacrifiée au profit de la consommation culturelle. 

Plus d’artistes et de spectateurs émancipés pour reprendre les termes de Jacques Rancière mais des offreurs et des demandeurs anonymisés par les algorithmes et empuissantés par la machine.

Aujourd’hui, tout l’écosystème est impacté : théâtres de ville, scènes conventionnées, labels nationaux, festivals, équipes artistiques indépendantes, ensembles musicaux, opéras.

Nous avons su rester soudés durant la crise sanitaire, mais la remise en question actuelle des budgets, quelques mois à peine après les grandes déclarations d’amour par le gouvernement et un certain nombre d’élus locaux, est inédite.

L’inflation est devenue le prétexte idéal pour sabrer dans une politique qu’ils souhaitent mettre en sourdine et ainsi gérer par l’effondrement de l’activité leur obsession sur le régime de l’intermittence.

Car oui, nous faisons face à un véritable effondrement.

  • 45 % des labels nationaux sont en déficit en 2023 ; peut-être le double en 2024 car il n’y a aucune réserve. 
  • Le budget artistique des lieux a été amputé en 2023 d’environ 20 millions d’euros qui manquent aux équipes artistiques et ce montant s’amplifie encore en 2024. 
  • Les CDN ont réduit de 23 % en 2023 leur budget dédié à l’artistique, chute inégalée ! 
  • Les heures déclarées ont chuté de 7 % au dernier semestre 2023 (données Data Lab Audiens), entraînant une baisse que rien ne peut empêcher de contenir en 2024. Tous les signaux sont au rouge. 
  • Les équipes artistiques, quelles qu’elles soient, sont violemment impactées. L’étude de LAPAS est venue utilement alerter les pouvoirs publics dans une approche prospective ;

D’autres études sont lancées et sauront poser un diagnostic précis sur la situation, mais nous en connaissons la teneur générale 

Mais nous savons déjà que

  •  les établissements publics nationaux sont brutalement impactés, générant des effets catastrophiques pour l’écosystème, 
  • Et si les crédits déconcentrés sont provisoirement épargnés grâce à une budgétisation anticipée du gel lors du vote de la loi de finances 2024, 

Nous savons que le débat parlementaire à venir sur la loi de finance 2025 portera à nouveau sur l’opportunité même de refinancer notre secteur.

Notre revendication est claire, nous attendons de la Ministre de la culture le rétablissement de l’enveloppe initiale de la création (BP 24) complétée, en 2025, de + 50 millions d’euros pour la création. 

A cela nous ajoutons des mesures d’urgence concernant notamment le desserrement des critères d’aides déconcentrées aux équipes artistiques ou encore un renforcement urgent du budget du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS).

Cette revendication est centrale car la politique financière du gouvernement impacte durement les collectivités territoriales dont certaines saisissent l’aubaine pour dévoiler leur vision illibérale de la culture. 

Ainsi :

  • Après les coupes dans les régions, et le clientélisme opéré en Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont les départements qui sont contraints d’opérer des coupes budgétaires sans précédent ;
  • L’Association des maires de France alerte pourtant depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. 
  • Et nous allons devoir exprimer un refus puissant contre les propositions d’Éric Woerth pour la culture, et notamment la suppression de la compétence culturelle pour les régions ! 

Dans quelques jours, nous serons très nombreux à être sidérés par un résultat qui pourtant est connu d’avance. 

Encore une fois, nous serons nombreux à nous sentir désemparés et sans doute la résignation en sortira une nouvelle fois renforcée.

Mais si la création artistique a quelque chose qui la singularise, c’est bien sa capacité à inventer les scénarios qui déjouent les attentes et qui rouvrent les portes quand elles semblent toutes vouloir se refermer.

C’est notre responsabilité, cela l’a toujours été et dans les semaines à venir il nous faudra l’assumer collectivement.

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