Suite au vote à l’Assemblée nationale de la loi relative à l’immigration, issue de la commission mixte paritaire, nous syndicats, associations représentatives du secteur du spectacle vivant, tenons à faire part au gouvernement, au nom de l’ensemble de nos adhérent·es, de notre profonde consternation. Nous désapprouvons totalement le contenu de cette loi qui aura, si elle était appliquée, des conséquences désastreuses dans l’exercice de nos métiers.
Certains articles de cette loi s’opposent directement aux valeurs fondamentales sur la base desquelles se construit notre politique publique culturelle. L’universalisme de la France, son ouverture et sa politique d’accueil, son engagement à inclure et à intégrer par le partage des savoirs, sa constitution qui entend accorder à toutes et à tous de pouvoir accéder aux mêmes droits, seront grandement remis en cause.
Nous ne pouvons accepter des mesures qui contribueront très concrètement et inévitablement à un repli de la société française sur elle-même. Nous ne pouvons accepter que nos étudiantes et étudiants étrangers, accueilli·es au sein de nos écoles supérieures nationales d’enseignement artistique, se voient soudainement traité·es différemment de leurs homologues nés sur le territoire français. Nous ne pouvons tolérer qu’ils et elles soient dans l’obligation de devoir payer – ou réserver – des « cautions financières de retour » afin de pouvoir intégrer nos écoles et accéder à nos formations. Nous rejetons l’idée d’appliquer de façon généralisée une majoration des droits d’inscription pour ces étudiantes et étudiants extra-communautaires. Nous ne pouvons accepter non plus que les artistes et ou technicien·nes étranger.es, avec lesquel·les nous travaillons, qui intègrent les distributions de nos spectacles, n’aient pas les mêmes droits sociaux que leurs collègues, au nom d’une intolérable « préférence nationale ». Cette idée empruntée à l’extrême-droite est totalement antinomique avec l’idée de produire des œuvres qui se nourrissent précisément de l’échange et de la rencontre avec l’autre. Quant à la spécificité de l’emploi artistique, et notamment sa discontinuité, elle rendra quasiment impossible l’intégration par le travail et l’accession à l’ouverture de droits sociaux minimaux. L’engagement de nos lieux d’arts et de culture, dans l’accueil des artistes en situation d’exil et demandeurs d’asiles politiques, comme ce fut récemment le cas avec le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan, ou suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, risque également d’être empêché par l’application de cette nouvelle loi.
Au quotidien, dans l’exercice de nos missions de service public, nous oeuvrons à rassembler, sans aucune distinction d’origines sociales ou géographiques ni même de statut administratif. Nous travaillons, jour après jour, dans le cadre des droits culturels, à permettre une égalité d’accès à toutes et tous aux propositions artistiques qu’offre notre pays. Il est inimaginable que notre action sur le terrain, puisse être entravée par l’application d’une loi qui emprunte nombre de ses articles au programme de partis politiques extrémistes, que nous sommes par ailleurs engagé·es à combattre, tant la banalisation de leur idéologie contrevient aux valeurs humanistes qui sont les nôtres. L’image de la France, telle que notre vitalité artistique et culturelle a contribué à la construire aux yeux du monde entier, en serait profondément dégradée.
La France, dans son histoire, a accueilli des milliers d’artistes étranger·es sur son sol, qui eux-mêmes ont enrichi notre culture. L’identité et la culture françaises ne sont pas figées. Elles vivent et se transforment significativement et positivement grâce à notre politique d’accueil et d’intégration. C’est pourquoi nous appelons à une mobilisation massive contre l’entrée en vigueur de cette loi, qui porte gravement atteinte aux droits des étranger·es en France.
Signataires :
ACCN · Association des centres chorégraphiques nationaux
A-CDCN · Association des centres de développement chorégraphique nationaux
ACDN · Association des centres dramatiques nationaux
A-Cnarep · Association des centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public
ASN · Association des scènes nationales
FASAP-FO · Fédération des arts, du spectacle, de l’audiovisuel et de la presse
Fevis · Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés
France festivals
Fédération Communication Conseil Culture CFDT
Les Forces musicales
Profedim
Territoires de cirque
Syndicat national des Musiciens et du Monde de la Musique Force Ouvrière
Syndicat national libre des artistes
Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
Syndicat national des scènes publiques