A l'annonce d'une coupe budgétaire inédite du programme 131 (création) du ministère de la Culture, nous avons immédiatement réagi en alertant d'une part le Premier ministre et la ministre de la Culture, mais également les membres des commissions Culture de l'Assemblée et du Sénat dont voici le courrier.
Paris, le 23 février
Madame, Monsieur les député(e)s et sénateur(trice)s de la Commission Culture,
Les professionnels du spectacle vivant que le Syndeac représente ont appris hier avec stupeur que 95 961 028 € de crédits du programme 131 – Création allaient être annulés dans le cadre du plan d’économies 2024 de 10 milliards d’euros annoncé par M. Bruno Le Maire.
95 961 028€ d’économies, cela correspond en réalité à une baisse de 10% du budget de la création artistique en France.
10% de budget en moins consiste à supprimer purement et simplement des spectacles, des milliers d’emplois, et aboutira à faire tomber dans la pauvreté des milliers de professionnels en situation déjà très précaire, notamment celles et ceux qui bénéficient du régime de l’intermittence.
10% de budget en moins consiste à demander aux acteurs culturels l’impossible. À l’heure où l’écosystème du spectacle vivant est dans une crise financière et sociale profonde, à l’heure où l’inflation impose logiquement à nos adhérents des négociations salariales sans budget supplémentaire, à l’heure où les moyens dédiés à la création et à la programmation de spectacles ont chuté de 25% en un an, retirer près de 100 millions d’euros aux structures de la création artistique sonne l’hallali du service public de la culture que nous représentons.
10% de budget en moins ne peut pas se lire comme une simple économie : c’est une coupe brutale et déraisonnable dont les conséquences sociales, économiques et artistiques vont être nombreuses.
L’État nous enjoint à mener des politiques d’augmentation de salaires dans les structures et les compagnies sans le moindre refinancement. Le spectacle vivant public représente en 2023 une masse salariale de 1,283 milliard d’euros. Les revendications des syndicats de salariés dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) 2024, légitimes dans le contexte économique et social actuel, coûteront plus de 50 millions d’euros à nos entreprises. Cette annulation de crédits est un nouveau coup de massue pour un secteur déjà exsangue.
Dans le cadre du plan “Mieux produire, mieux diffuser” du ministère de la Culture, seulement 9 millions d’euros ont été dégagés face aux besoins du secteur qui excèdent les 50 millions d’euros pour notre seul périmètre syndical. Ce coup fatal casse la stratégie élaborée dans le cadre de ce plan. Dans cette situation de crise sans précédent, nous sommes abasourdis par cette prise de décision en dehors du débat législatif et sans la consultation des organisations professionnelles.
Bien évidemment, s’ajouteront aux effets de cette coupe historiquement élevée pour le ministère de la culture, les effets des autres annulations : cohésion des territoires, éducation nationale, politique de la ville, pour ne citer que ces trois exemples, qui sont tous impliqués dans les politiques culturelles publiques.
Nous vous demandons, en qualité de membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, de relayer notre alerte pour faire ajourner cette décision sur le programme 131 et pour défendre les missions de service public dont l’État doit se porter garant.
Le Syndeac compte sur votre engagement en ce sens. Restant à votre disposition, je vous prie de croire à l’assurance de ma parfaite considération.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur les député(e)s et sénateur(trice)s de la Commission Culture, l’assurance de notre parfaite considération.
Nicolas Dubourg, président du Syndeac
pour le bureau